Blake et Mortimer nous emmènent à Berlin

Catégorisé comme arts et culture, journal extime

une madeleine de Proust

Blake et Mortimer

Présent sur une gondole au supermarché, l’album s’est retrouvé dans mon caddie. Une bande dessinée dans le fil du travail d’Edgar P. Jacobs qui ne l’aurait pas reniée.

Madeleine de Proust qui rappelle la découverte d’une série lorsque j’étais petit garçon : un univers sombre mais pas sans optimisme ni réalisme. Qui lit encore Blake et Mortimer aujourd’hui ?

Si je l’évoque ici, c’est que notre personnalité est faite aussi de ces lectures de jeunesse qui à leur façon ont participé de notre éducation mais aussi parce que leur auteur a produit une œuvre reconnue alors que peut-être sa véritable passion était ailleurs…

La figure discrète d’Edgar P. Jacobs

Gamin, je ne savais rien de l’auteur. Encore moins de ses liens avec Hergé et de la contribution discrète qu’il apporta à celui-ci.

La précision du trait, la méticulosité avec laquelle chaque album était pensé tout cela attirait. Étrangement, c’est une bande dessinée « bavarde », très pédagogique et explicative. Mais son lexique est soutenu. Le lecteur ni est pas pris pour un imbécile.

L’auteur en retrait, est pourtant presque un personnage de l’histoire. Son regard est là, ses inquiétudes. Précis, structuré, on sent aussi ses doutes.

Il parait que ce passionné d’opéra qui chanta sur scène, finit sa vie en ermite, dans l’amertume. J’aime bien cet auteur « à part » qui mérite de ne pas être oublié.

Nous sommes faits de nos rencontres, d’opportunités. Mais parfois nos choix nous font renoncer à une vocation première. Pour Edgar P. Jacobs peut-être fut-il marqué par ce regret de n’avoir pu mener une vraie carrière de chanteur d’Opéra ?

Je ne les ai pas tous…

les albums Blake et Mortimer

Les premiers albums, j’ai dû les lire chez mon père. La Marque jaune fut certainement le plus marquant.

La force d’attraction de la série malgré des histoires parfois inégales, tenait dans ses personnages, cette ambiance d’après-guerre. La science présentée avec ses progrès et ses dangers, l’Histoire en arrière plan, les jeux de pouvoir, l’attention portée aux seconds rôles…

Certes, à bien des égards les personnages s’inscrivent dans une société très hiérarchisée, le pouvoir y est réservé aux hommes. Nos héros ont du personnel pour les servir même s’ils les traitent avec respect. Il y a ce mélange de convenu, traditionnel, ces lieux communs et en même temps, notamment avec Mortimer, ce risque permanent du basculement de la raison rationnelle du scientifique à la folie.

Mortimer aime la science, découvrir, chercher. Blake agit dans l’ombre, est lié au pouvoir mais combat pour la liberté.

Dans ce dernier épisode, des personnages meurent. Un cadavre sera utilisé comme leurre. Ce n’est pas un univers calme et tranquille !

Plonger dans un album de la série, peut sembler un effort au jeune lecteur, mais on est dans un univers à part. L’adulte pourra l décrypter à son niveau… Peut-être aussi le lecteur aura-t-il envie d’en savoir plus long… d’aller plus loin sur certains sujets.

Imiter pour recréer Blake et Mortimer

Les auteurs qui ont repris Spirou et Fantasio n’ont pas cherché à rester dans le style de l’auteur même si la personnalité des personnages est préservée. D’une certaine façon, ils se sont échappés de leur auteur avec plus ou moins de bonheur.

Les équipes reprenant la série Blake et Mortimer s’évertuent à rester dans le cadre : fidélité au trait, au style, comme au lexique et ses formulations…

C’est l’exercice difficile de la partition obligée. Mais il est réussi.

Ouvrez l’album et vous noterez que c’est un véritable travail d’équipe. Trois auteurs et leurs assistants, tant pour la couleur, le lettrage ou la maquette.

Les auteurs ouvrent d’ailleurs l’album par leurs remerciements. Il faut accepter de rester en retrait pour ne pas démériter du créateur…

Mais malgré ou grâce à la bonne appropriation de cette partition obligée, voici un opus qui non seulement sait être fidèle mais aussi créatif, inventif.

Les grands thèmes sont préservés et enrichis. Apparaît au passage le personnage d’une femme scientifique à la forte personnalité. Et si l’on oppose « bloc de l’Est » et camp de la liberté, les auteurs ont su donner de la nuance à leurs personnages.

Ils sont fidèles et cohérents mais le récit est riche, le scénario fort bien construit est soutenu.

Fidèle à l’univers, l’album n’exige pas à mon avis de connaître déjà les héros pour s’approprier cet épisode. « Huit heures à Berlin » pourrait donc passer avec bonheur de mains en mains pendant les fêtes.

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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