Ce matin j’ai failli céder à la colère

Catégorisé comme développement personnel, journal extime
les pins à la Trinité sur Mer

Parfois la vie vient nous agacer : que ce soient les contraintes personnelles ou les nouvelles venues du dehors. Les unes pouvant trouver dans les autres un révélateur ou l’amplificateur d’un feu qui couvait.

Quand un certain nombre de difficultés, d’injustices et d’incertitudes assombrissent l’horizon, lorsqu’il parait difficile de construire sur du sable, lorsque l’attitude de certains est affligeante… il est difficile de ne pas céder à la tentation d’envoyer tout valdinguer…

Si je ne peux nier la colère, la question n’est pas tant de la canaliser que de la transformer en énergie positive… pour ne pas lui laisser le dernier mot, pas plus qu’à l’autodestruction.

Le prétexte de l’actualité politique

Une sorte de mise en scène se joue : les rôles y sont assez bien distribués dans un scénario où les postures dominent sur le fond, de part et d’autre.

Jeu d’hypocrites où d’un côté les uns avec cynisme prétendent faire le bien des autres comme des parents agiraient avec des enfants. L’ennui c’est que les citoyens ne sont pas des enfants. Les autres, avec une candeur presque naïve tentent de se refaire une virginité à bon compte en se prétendant du côté des faibles. Ce serait entendable s’ils n’avaient pas attendu qu’il soit trop tard pour écouter et imaginer des réponses convaincantes qui suscitent l’adhésion.

Alors ce matin, j’ai fait deux mauvaise choses : mal réveillé d’une mauvaise nuit je suis allé lire les réactions et les commentaires des uns et des autres et mon premier réflexe a été de venir ajouter ma colère à la colère par une formule lapidaire mettant en cause « le cynisme des uns et la bêtise des autres » pour comprendre qu’alors je devenais moi-même bête et cynique.

Ça couvait hier

Hier, ça couvait et je commençais déjà à frémir et m’insurger quand je notais que des responsables du camp défendant « la Justice » (en me relisant je note que chacun prétend d’ailleurs la défendre- donc là je parle des forces sociales et de gauche) reprochaient « au peuple » de ne pas se mobiliser assez, c’est à dire s’en prenant après « des ennemis du dehors » et à « des ennemis du dedans ».

Nous connaissons tous la logique sinistre des purges de tout mouvement qui dérive en secte et prétend à la pureté idéologique en faisant porter la faute de ses échecs sur les plus faibles de son propre camp.

Mais le ressentiment se cuisine en soi

Dénoncer le jeu de dupes est une chose, prétendre s’en extraire est tout autant de mauvaise foi.

L’autre agit souvent en miroir. Il est ce que je ne veux pas voir de moi et que je n’ai su transformer par ma propre conduite. Il faut être ce que j’attends d’autrui mais renoncer avec exigence éthique au pouvoir sur autrui.

Une colère peut en cacher une autre

Sous la mise en scène, les drapeaux, les cris… peut se cacher une autre colère plus intime. Prendre la parole, agiter le bras, avoir le verbe haut masque souvent ses propres turpitudes.

Nous nous réduisons dans les mots réducteurs. Nous tordons le bras à la réalité.

La peur est un maître exigeant

Petites ou grandes peurs. C’est l’enfant qui ne comprenait rien des abandons et des mensonges des grands qui s’agite en nous. Il crie, aveuglé, c’est mon enfant intérieur. Il s’empare de n’importe quoi pour taper les murs d’une chambre où il se sent enfermé. Sauf que cette chambre c’est moi même. Et plus j’ai mal plus je crie, plus la douleur monte.

Alors le cercle vicieux, alors l’inutile dispersion de l’énergie…

Il y a cette vieille citation des bouddhistes : « Un homme en colère est comme une bûche brûlée des deux côtés et souillée au milieu après avoir été utilisée dans un bûcher funéraire ; elle ne peut servir ni de bois de chauffage au village ni de bois de construction dans la forêt. » (Anguttara Nikaya II, 95).

Et je sais bien que sous l’injustice que je conspue, j’appelle cette vieille injustice intime, non réparée…

Travailler au dedans, travailler au dehors

Cette histoire d’enfant intérieur

Au dedans, sans nier les émotions qui me traversent, renouer avec l’enfant intérieur pour le rassurer malgré tout. On ne refera pas l’Histoire. Mais on peut s’en souvenir. Cette Histoire personnelle qui peut être douloureuse écrit aussi une différence et pour peu qu’on fasse attention, donne cette capacité de mieux comprendre les autres…

Le sentiment d’injustice, celle faite aux autres, est né d’abord d’une épreuve intime.

Alors s’accepter, s’écouter, s’accompagner, être son propre parent. C’est normal d’avoir mal. Mais la douleur n’est qu’un symptôme, un signal d’alerte… Serait bon d’aller chercher les causes, pas juste de tenter de l’atténuer par une addiction facile.

Comme les romans m’aident à comprendre le Monde, l’enfant intérieur, souvent appelé en gadget par des coachs en dérive, est capable de me rappeler à la nécessité de l’empathie, d’oser être soi, sensible et laisser les intuitions parler au delà des apparences…

Alors au dehors

Si la colère est une étape, ne pas la laisser commander. Reprendre la main. Agir parfois à rebrousse poil de ses convictions premières.

J’aime encore cette vieille citation décidément bouddhiste aussi : « Vaincs les colériques par le calme, les méchants par la bonté, les avares par la générosité, les menteurs par la vérité. » (Dhp, verset 223)

Je peux être en colère contre une injustice. Je dois aider à la réparer. L’injustice. Pas en la confondant avec celui qui la soutient ou la génère.

Ne pas gaspiller mon énergie

Le pouvoir ne m’intéresse pas. La démocratie de délégation ne doit pas s’ériger en aristocratie. Mais la démocratie directe doit être régulée pour qu’elle ne confonde pas les causes des problèmes avec les personnes…

Je vis dans le Monde mais je suis maître de mon propre gouvernement. C’est à dire que l’espace intérieur de ma vie, ma liberté, reste mon domaine.

La colère qui brûle c’est une énergie boomerang. Le bien apparent qu’elle procure une temps restera fort ponctuel et risque vite de me piquer par les retours négatifs : que ce soit la vengeance d’autrui ou le sentiment sourd de culpabilité. Car la colère nous enlaidit et nous ridiculise souvent.

Transformer la colère en créativité

Nul doute que Beethoven a mis de sa colère dans certaines symphonies. Ou Picasso dans nombre de ses peintures. Ou Rimbaud dans certains de ses poèmes…

Alors, il y a écoute, il y a appel à l’humanisme et appel à transformer les relations et les équilibres. On fait de la beauté avec le cri. On dit, on relie. Il faudra chercher ensuite ce que l’on veut.

Intégrer l’incertitude

Si j’ai la main sur certaines de mes émotions ou la façon de concevoir mes relations aux autres, je ne sais à l’avance comment les autres réagiront. Chacun son histoire au gré des interactions. Heureusement, rien n’est jamais écrit d’avance.

Ce qui importe, dans l’incertitude, c’est de ne jamais nier la dignité d’autrui car alors ce serait nier la mienne.

Lâcher prise sans laisser faire

C’est un équilibre à trouver. Une démarche. Il y a ce qui ne mérite pas qu’on s’y attarde. Il faut se « désencombrer » l’esprit et la vie. La société de consommation est un piège qui nous asservi à des désirs dont l’obsolescence est programmée… Jamais satisfaits. Il faut de la nouveauté, de la récompense rapide.

Il nous faut nous presser calmement. Sans procrastiner ne pas nous tuer d’urgences. Savoir reconnaître la faim première.

La compassion et la générosité, la demande osée, construisent au contraire des relations d’échanges où nous pouvons tisser du lien social. Agir ensemble en nous reliant au réel, au concret. Car la nature nous fait bonne place si nous n’en dilapidons pas les richesses. L’abondance n’est souvent que le prélude du gaspillage.

Quand une injustice se crie, il faut aller la comprendre et s’en faire le témoin. Mais il faut aller sur les causes… Ce n’est pas en ajoutant des lois aux lois qu’on réduit les causes…

Oh les jolis principes !

Ces énoncés fort convenus pourraient alimenter la boutique des lieux communs ou pire encore servir d’excuse pour au final avaler sa colère et ne rien changer.

On peut rire de cette forme de bien-pensance. Les aigris se gausseront du « wokisme » ou les autres du risque de se plier et de se conformer à l’ordre établi.

Tout principe ne vaut que s’il est intériorisé, mis en acte pour soi même … et il n’y a aucune leçon dans mes propos que celle adressée à moi même ce matin : j’ai retenu ma propre colère pour ne pas gâcher ma journée en la noircissant inutilement. Je peux maintenant aller dans les choses à faire, tranquille, plutôt content d’avoir éteint le feu…

Belle journée à toutes et tous !

sourire
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Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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