On va… dit le journaliste

Catégorisé comme arts et culture, écriture, journal extime

Sans les nuances de la conjugaison nous sommes réduits à l’esclavage du temps présent.

Parfois, à midi, grignotant ma salade, j’allume la télévision. Un journaliste bien coiffé veille à gommer les catastrophes avec son sourire de gendre parfait. Il parle au présent. Il dit « on »…

Un des grands malheurs de notre langue, c’est de ne plus jouer avec les personnes.

Ce « on » qui emballe tout et nous réduit.

« On va finir l’exercice », dit la maîtresse. Mais, non, ce sont les élèves qui devront travailler.

Si en France, « on adore le vin », non, tout le monde ne boit pas. Danger de la norme implicite. Danger des généralités réductrices.

Impersonnel et singulier, le voici énonçant des vérités générales. Oui, le « on » est un pronom totalitaire et réducteur. Il permet d’affirmer sans prouver : « on sait que »… « on m’a dit que… »

Ne plus employer les autres personnes, c’est tuer les déclinaisons de la conjugaison qui permettent pourtant de mieux comprendre qui est concerné… et d’impliquer… responsabiliser.

Mais une autre habitude détestable consiste, sous prétexte de faire simple, à ne plus parler qu’au présent.

Il arrive alors, écoutant un reportage radio ou télévision, que je me demande si le journaliste me parle d’un fait actuel ou passé.

C’est une autre façon de tout mélanger. La distance historique, le recul, la recherche de l’objectivité ne sont plus possibles…

Sans la richesse des temps du passé, il n’y a plus cette profondeur…

Comme les contes seraient tristes sans eux !

Le présent, c’est le temps des catastrophes qui interdit d’imaginer des hypothèses, de concevoir le futur. C’est le temps de l’urgence, de l’impéritie, de l’improvisation, je dirais même du scandale…

La science a besoin des temps du récit.

Réduire les personnes et tuer les temps, c’est nous priver de nuances pour nous empêcher de penser, de nous penser et de nous situer…

Nous devons prendre le temps, tous les temps.

Nous ne devons pas craindre d’initier aux subtilités. Il faut partager les outils de la langue. Ils peuvent largement nous aider à nous comprendre, mieux vivre ensemble, mieux nous affirmer sans nous opposer…

ombre de Vincent

à suivre !

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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