il va mourir alors

Catégorisé comme poésie, rue des pommiers
feuille

un poème de la rue des pommiers


Mes souvenirs dans les épaules, je flotte dans le soir qui tombe
Le navire de mon lit glisse le long de la rivière douce
Dans l’ombre
J’entends l’appel du muezzine par un soir bleu d’Ispahan
Enfant
Je lis des contes, un jeune prince sur la mousse
S’endormant
 
En ce temps-là, ami fidèle des livres
Les étoiles étaient innombrables, je savais les suivre
Les adultes éloignés bavardaient dans des salons
Où Mile Davis pleurait, Dave Brubeck chantait
La vie de Blanche Neige
Et d’un prince qui viendrait
 
Je n’attendais personne
Je chantonnais
 
Qui ne comprend pas la solitude de l’enfant
Attendant le sommeil dans une chambre sombre
N’entend rien aux mystères, à la peur, au Monde
Reste bien adulte au loin dans des salons ignorant
Qu’on n’a pas voulu se retrouver si petit seul sur un lit
Prisonniers de parents qui font au loin leur vie
Et vous condamnent de leurs principes, leurs sourires,
Aussi
Qui peut comprendre qu’on ait à ce point mal aux poignets
D’être enserré dans un destin où l’on ne se reconnait
Jamais
 
Chante le muezzine, chante un jazz des années soixante !
Chante l’enfance rangée au rayon des utilités
 
Tout ainsi commença par un profond malentendu
Des rires, du whisky et de la glace jamais fondue
Sur les lèvres des adultes et la futilité
Fêtes agitées dans l’Orient décadent
Votre sang se noie dans la voix lointaine d’une mère sans caresse
Puis plus loin
Votre corps qui a vieilli s’abandonne alors sur un vieux canapé dont les ressorts pointent votre dos
Et votre mort annoncée à l’hôpital
Par la voix monocorde et blanche d’un lâche interne
Technicien des globules
Englué dans sa blouse
Mécanicien des corps vendus à la charcuterie médicale
Vos pensées flottent
Et vous vous endormez
Sans rime
L’âme désordonnée
L’estomac acide et les mains sèches
Pliées sur votre cœur
Qui bat encore
Juste à peine sous les souvenirs  
mon ombre

d’autres de la rue des pommiers

Ce poème a été publié dans la série « Rue des pommiers ». Cette série de textes a été elle même écrite de 2011 à 2015 alors que je séjournais dans les Hautes-Alpes. On trouvera quelques allusions aux grands espaces, à la vie animale, à la montagne ou au climat de la région et notamment de la vallée du Buëch ou du Dévoluy. Mais en réalité, il n’y a pas de lien direct entre le lieu de vie et l’écriture. Il s’agit plutôt d’échos à la vie, son quotidien. Si certains reconnaîtront des clés ou des allusions, il serait vain de vouloir tenter une quelconque biographie à l’aide de ces fragments… Ce qui compte c’est l’image, la métaphore… Certains de ces textes ont pu donner lieu à une mise en musique et ont ensuite été donnés comme « chansons ».

Dans les hautes alpes

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.