Agaçants ces « coachs » en tout genre qui s’affichent sur les réseaux sociaux avec leurs gueules plus ou moins vitaminées et qui injonctifs, nous admonestent : « on n’a qu’une vie, profitez ! foncez ! »
Ils ajoutent qu’il faut sortir de sa zone de confort, avoir des ambitions et des projets et patati et patata… ça en deviendrait stressant et culpabilisant.
Mais de toutes façons, des vies, j’en ai plusieurs, simultanées d’ailleurs mais aussi intenses et riches… J’en compte au moins trois, non quatre, même cinq… et vous ?
La vie dans le monde réel
C’est la vie du quotidien. Ce n’est pas la plus triste même si c’est dans cette vie qu’on doit aller chez le dentiste ou le garagiste, trier ses ordures et payer ses factures.
Cette vie est faire de rencontres, de sensations, d’explorations.
On peut tirer bonheur à s’y montrer utile mais il est inutile de se sacrifier. Parfois on meurt pour une cause. Mais ça reste un échec. Le Les gens se passent vite de vous et c’est tant mieux.
Agir en bon locataire, préserver les lieux, veiller à ne posséder que peu de bien et jamais les personnes… c’est préserver la paix !
On peut la vivre cette vie avec de petites routines rassurantes ou venir les secouer. Jouer. Inventer. Créer.
Toute la difficulté c’est de réussir à oser y être soi même, s’affirmer sans s’opposer, composer parfois avec les contraintes mais sans s’y asservir.
Ma chance en vieillissant c’est de pouvoir me libérer d’un certain nombre d’obligations. Je paye mes impôts mais j’évite les pince-fesses, les discours et les hypocrisies.
Si ma carcasse s’use, je n’ai pas peur de la mort et je crois encore en de jolies surprises humaines.
Donc cette vie quotidienne est première, faite d’incertitudes, de créations et pour mystique doit se laisser traverser par la poésie et chercher le beau.
La vie des rêves
Si dans la première j’agis autant que possible en choisissant, en étant responsable de mes actes, le sommeil offre une seconde vie avec cet incroyable moment des rêves.
Je n’en garde jamais que quelques bribes. C’est une ambiance, parfois un écho à la vie réelle. Le rêve ose me faire vivre des situations étonnantes, plaisantes ou embarrassantes. Je ne commande pas mes rêves, ils surviennent.
Le rêve vient appuyer parfois un manque, me permet de revivre des situations passées, avec des personnes mortes… Il peut m’éclairer…
Grâce aux rêves j’ai pu « voler » dans le ciel, j’ai pu me retrouver dans des situations étonnantes et sans les raconter ici, je sais que souvent la couleur de mes rêves et notamment le dernier, celui qui me mènera au réveil, pourra influencer l’humeur de ma journée.
Les rêves constituent un élément intense tout à fait intime et singulier et je crois important de ne pas mépriser ce qu’ils permettent de vivre. Sans les rêves, ce serait impossible parfois d’affronter le Monde.
La vie des romans que je lis.
Il y a bien celle du cinéma. Mais le cinéma dicte à sa façon ce que je dois voir. Le roman m’invite à imaginer.
Je ne vais pas ici en faire l’apologie. Après le Conte, le roman m’enseigne le Monde et les hommes.
La lecture des romans m’a souvent mieux permis de comprendre la vie que le cours d’Histoire, la sociologie ou la psychologie.
Le roman c’est aussi cet espace à part, cette autre façon d’entrer dans le temps. Lire, relire, s’arrêter sur un passage, s’extraire de la vie pour entrer dans celle d’autres personnages.
Ce n’est pas tout à fait ma vie, mais pourtant je m’identifie et le roman me transforme et m’arme pour la vie vraie.
La vie des romans que j’écris.
Toutes les histoires que l’on écrit ne méritent pas d’être publiées. Ce n’est pas grave. Mais je rentre assez dans les histoires que j’écris, je m’y relie et m’y transforme tout autant.
Cette vie là puise d’ailleurs tout autant dans la vie réelle, celle des rêves, les romans que j’ai lus.
Cet imaginaire, même maladroit, je le commande… enfin, je décide de l’avancée des pages même si parfois les personnages prennent le dessus et me surprennent.
Dans le roman, l’auteur est Dieu.
D’ailleurs, peut-être ne sommes-nous que les personnages d’un roman que l’auteur « divin » regarde étonné, glissant sous nos pas quelques obstacles pour voir nos réactions tel un expérimentateur dépassé par sa propre invention ?
D’autres vies encore ?
Entre deux eaux, par exemple à la promenade, dans ces moments vagues des automatismes et des pensées qui flottent, il y a ces rêveries… Ce n’est pas tout à fait la vie réelle, ce n’est pas le sommeil paradoxal, mais « on pense à », on est au bord du projet, images et mots se forment et montent à la surface de la conscience… Sans ces moments là, il serait impossible de se projeter et d’agir…
Alors quoi ? Qui est la projection de l’autre ?
La vie « réelle » ne serait-elle que la projection d’un scénario dont nous avons crée les conditions d’espace et de temps en supputant parfois les dialogues de nos « partenaires de rencontre ». Savoir répondre à l’inattendu, c’est savoir imaginer quoi dire ou répondre en fonction de la situation…
Ou se taire…
C’est tout pour aujourd’hui camaradesses et camarades !
