J’ai rapporté des tartes postales

Catégorisé comme arts et culture, journal extime
Saint-Philibert

Elles sont bien jolies. On en ferait des cartes postales que l’on pourrait vendre. Oui mais ces images sages et surfaites sont des clichés au sens littéral comme au sens figuré, des photos sans surprise, qui rassurent l’œil, sans risque. C’est pour ça que je les appelle les « tartes postales ». De jolies photos un peu tarte.

Elle est tarte celle là !

Celle qui est tarte est bête. C’est curieux car à la base, en principe une tarte c’est bon. Sauf quand c’est une claque ou que l’on vous entarte, ce qui est une étrange idée, car c’est quand même gâcher ce qui est bon que d’en balancer au visage d’une personne a priori peu appréciée.

La tarte à la crème, la banalité, le poncif… Sait-on bien que l’on doit l’origine de l’expression aux mésaventures de Molière ?

Donc, en désignant une image un rien commune, banale, bête, je la désigne comme tarte postale en référence à ces images un peu surfaites, ces souvenirs anodins que l’on envoie en bon touriste à Tata Adèle… Enfin, que l’on envoyait, car il me semble voir la tradition se réduire…

J’en rapporte souvent des tartes postales

Saint-Goustan à Auray

C’est joli. C’est gentil. Des photographes s’en contenteraient. Est-ce que c’est le début d’un regard ?

Mais la tarte postale pose plusieurs questions : quand est-ce que c’est juste joli, mais pas le beau, pas de l’Art ?

Quand est-ce que c’est juste trop ? Que c’est kitch, démodé avant l’heure ?

L’image qu’on triture un peu, qu’on bricole et bascule souvent du côté convenu.

L’Art prend sûrement un risque. Il ne cherche pas à faire joli. Il cherche. Mais le kitch parfois, bien bricolé devient hautement artistique.

Beau un jour ? pas toujours ou…

C’est pas juste le paysage, c’est pas juste le regard de celui qui photographie, c’est le moment où l’on regardera ce cliché, la façon de l’exposer, le réinterpréter…

Souvent j’aime me promener dans ces lieux connus, ces lieux où je vis sans pourtant sans en être natif n’ayant pas de racines ; comme si j’étais un touriste.

J’adopte la posture du touriste. Celui là ne regarde qu’en surface. C’est un collectionneur et il rentre rarement dans l’émotion du lieu, ses odeurs, ses défauts.

Une carte postale évite le poteau moche, la déjection, le sac poubelle. Elle doit rapporter un bon souvenir. Le tourisme ourdit des histoires un peu sucrées, parfois navrantes, pétries d’un folklore aseptisé et naïf qui n’effraiera pas l’héritier du colon et confirmera un standing de bon aloi…


Tout à l’heure j’ai pris une photo d’une fontaine emplie de lentilles d’eau au risque de me casser la figure dedans – ce dont je suis assez capable – . En la regardant après, j’ai vu qu’on y voyait mon reflet. C’était pas beau, c’était raté d’une certaine façon et pourtant ça racontait une histoire.

fontaine

Du coup, des photos que je partage avec vous, cette dernière me semble la plus intéressante.

Elle l’aurait été encore plus si j’étais tombé dans la fontaine et m’étais noyé bien sûr car on l’aurait retrouvée dans le cloud automatiquement sauvegardée. C’est beau la modernité.

C’est tout pour aujourd’hui !

patiner au loin

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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