On dit qu’il faut s’armer de patience. Mais je crois que c’est une vertu. Si la procrastination est un défaut, la précipitation et l’impatience nous rongent. Il faut oser réinvestir la patience. Celle qu’il faut pour créer, prendre sa place dans le Monde et bien faire. Il faut se réinscrire dans le temps de la patience qui est une sagesse.
La patience du jardinier
Il fait beau. Au jardin la première jonquille est là, d’autres fleurs se manifestent. J’aurais été tenté d’aller tondre la pelouse. Mais c’est encore un peut tôt. Inutile de la fragiliser. Sois patient, ne te précipite-pas !
Au jardin, si l’on se précipite, on s’expose au risque de la gelée, même si ici elles restent rares.
La patience du jardinier qui observe avant d’agir, qui accepte que ce ne soit pas encore le moment pour faire, qui laisse encore un peu d’imperfection…
La patience de la réponse à la lettre
Il y a quelques temps, j’avais lancé ce presque défi de nous écrire des lettres manuscrites.
Il y a la patience d’écrire, celle de l’envoi et celle qu’il faut pour attendre la réponse.
J’ai eu le bonheur de recevoir des lettres et d’y répondre ou parfois d’en envoyer quand on me glissait juste une adresse. Le temps d’écrire à la main, pour la personne, rien que pour la personne…
J’ai obtenu des réponses, du temps a été nécessaire… mais quelle joie dans la surprise de recevoir une carte ou une lettre de plusieurs pages !
Et puis, ce mélange de doute et d’impatience : « -A-t-elle bien reçu ma lettre ? Ne répond-elle pas par indifférence, incapacité ou peur ? La lettre s’est-elle perdue quelque part ? «
La tentation fut de demander si ma lettre avait été reçue… Mais alors, ce serait une marque d’impatience frisant l’impolitesse…
La patience de la salle d’attente
On dit du malade que c’est un patient. Sois patient avec la douleur pour qu’elle passe. Sois patient dans la salle d’attente du dentiste. Tu te sens retenu, prisonnier.
Pourtant, il y a l’ambiance, ces visages muets qui révèlent une part d’intimité. Et puis tu peux rêver, tu peux lire, plonger dans le temps long de l’attente et peut-être méditer.
La patience de la commande
On nous promet une livraison rapide. Nous ne supportons pas le retard.
Quand j’étais enfant ou adolescent, à la librairie, nous commandions des livres qui mettaient parfois trois semaines avant d’arriver. Il y avait alors cette joie certainement plus forte que d’avoir le livre dès le lendemain.

Au restaurant, nous préférons souvent être rapidement servis qu’attendre le ventre vide. Il y a bien sûr cet équilibre entre celui qui a la patience d’attendre quelque chose (un repas) qui en « vaudra la peine » et celui qui fait attendre parce qu’il manque de savoir faire ou se montre débordé…
La patience de la file d’attente au supermarché où l’on voit ceux qui te poussent du chariot, la petite vieille qui trouve une excuse pour te passer devant, celui qui commence à faire grimper la colère… et la caissière reconnaissante de ton calme… alors, on communique mieux.
L’impatience est égoïste
C’est ce crétin qui colle sur la route, celui qui peste dans les embouteillages…
Ce sont les impatients dans la ville, sur la route, le trottoir, le métro… ceux qui resquillent, doublent, poussent qui créent des bouchons, des tensions, des colères…
Seule la patience permet la fluidité.
L’impatient se met la rate au court bouillon, il éructe, il admoneste, il s’en prend au système, au plus faible, il a des airs supérieurs et le mépris à la bouche.
Le patient prend le temps du salut, de la réponde attentive, de la disponibilité à l’autre…
Le patient sait l’inhibition. Celle qui manque à l’écolier qui se trompe.
Le talent de l’artisan
Parfois, je me presse inutilement comme si j’allais tirer un bonheur particulier d’aller toujours plus vite.
La vaisselle à besoin de patience, le rangement, l’ergonomie ont besoin de patience.
Avec la patience on prend le temps de mesurer, de vérifier, de penser à ce que l’on fait.
La patience sage construit le savoir-faire… Elle évalue…
Le menuisier J’ai vu le menuisier Tirer parti du bois. J’ai vu le menuisier Comparer plusieurs planches. J’ai vu le menuisier Caresser la plus belle. J’ai vu le menuisier Approcher le rabot. J’ai vu le menuisier Donner la juste forme. Tu chantais, menuisier, En assemblant l’armoire. Je garde ton image Avec l’odeur du bois. Moi, j’assemble des mots Et c’est un peu pareil. GUILLEVIC, Terre à bonheur (Seghers)
C’est tout pour aujourd’hui !