Le malaise vagal

Catégorisé comme journal extime
Vincent Breton

Il y a deux jours j’ai fait un malaise vagal. Je vous raconte ma vie. Celui là était assez fort et d’autant plus inquiétant que j’étais seul à la maison. J’aurais pu faire une chute. Mais en réalité, depuis tout petit j’ai toujours fait de ces malaises. La syncope, le malaise vagal, on n’en sait finalement pas grand chose mais il y a quelque chose de révélateur dans cette manifestation… que je ne trouve pas forcément si désagréable.

Tomber dans les pommes

Gamin c’était ça. L’étrange sensation ! Je pense que ça a débuté vers l’âge de onze ou douze ans.

À l’époque, le vertige était souvent inattendu et soudain. Quand je le sentais venir, c’était déjà trop tard. Je tombais. Peu à peu, j’appris à prévenir mon entourage… qui ne me croyait pas… jusqu’à ce que je tombe.

C’était souvent au collège, par exemple lors d’une attente en rang ou d’un déplacement.

Juste le temps de dire au copain : « je crois que je vais tomber dans les pommes ». Des rires fusaient, je m’évanouissais puis me réveillais entouré de bras bienveillants. La plupart des personnes ne sachant pas toujours quoi faire. Mais ce n’était pas forcément désagréable de tomber dans des bras amicaux.

J’étais pâle comme un linge… ça faisait peur.

Délicieuse sensation du vertige, du comas, puis du retour dans le coton avec le son et l’image flous qui reviennent progressivement.

Je n’ai connu ce même bonheur qu’au moment des anesthésies chirurgicales.

Car oui, si l’on se rend compte qu’on échappe à soi même, il y a presque une ivresse dans cette étrange sensation. Le cerveau déconnecte. La machine va faire un « reset » plus ou moins long.

La panique !

Quel bonheur ! On s’inquiétait pour moi. Tel ami qui croyait que j’allais mourir. Ce professeur qui manquait de s’évanouir à son tour par mimétisme plus qu’empathie. Dans un commerce, cet oncle inquiet qui aurait fait venir les secours…

Un jour, je fis un tel malaise enseignant en classe, devant les élèves. J’avais eu le temps de prévenir les enfants. Ils avaient cru à une bonne blague, j’en faisais souvent et j’étais si bien deux minutes avant, jusqu’à ce que je tombe vraiment. « Vous étiez tout blanc ». Et la panique du directeur qui voulait éviter de perdre un enseignant à l’école. La gentillesse des parents ensuite, on aurait cru que ma fin approchait.

C’était très agréable de voir ces têtes penchées, ces personnes inquiètes, les petits soins, les chaises rapprochées plusieurs jours après.

Ne pas se plaindre je le notais, minimiser… augmentait l’inquiétude et les attentions.

Oui si ça se trouve, je vais mourir…

L’infirmerie

Le calme de l’infirmerie, se faire raccompagner… Les hypothèses sur les origines du malaise, surtout lorsqu’il se répète. Consulter ?

Je crois bien que la seule à minimiser c’était ma mère. Je dus aller une fois chez le médecin. On mit cela sur le compte d’une puberté précoce. Le docteur avait poussé une telle exclamation en m’examinant dans l’intimité, que j’avais cru un moment ne pas être normal.

Pourtant, s’évanouir c’était réputé comme être un truc de filles. Autrefois les jeunes filles de bonne famille ne sortaient jamais sans leurs sels pour se réanimer dès lors qu’elles étaient incommodées par quelque rustre ou situation « malaisante »…

Malaises et changement de vie

Mais si j’y regarde d’un peu plus près, ou si j’analyse les moments où les malaises récurrents se sont produits au fil de ma vie, je note a postériori que c’était à des périodes de changements, d’évolutions, de transition…

Plus que la fatigue, plus qu’un corps qui change ou une cause d’ordre médical, ce fut le plus souvent à des étapes décisives de ma vie, comme des temps de mutation, de mue… que j’ai le plus vécu ces malaises.

Alors au fond se réjouir… il y a donc un changement en cours !

Mourir tout seul

Bon évidemment, j’aurais pu tomber dans l’escalier, ne pas savoir m’allonger à temps…

Je note l’absence totale d’empathie du chien qui lui aussi ne me prend pas au sérieux.

Tu imagines, je tombe, je meurs, on me retrouve plusieurs heures ou même plusieurs jours après… dévoré par les animaux.

Non ce qui manque dans le fait de tomber dans les pommes tout seul à la maison, c’est qu’il faut appeler les amis après pour se faire plaindre… mais comme vous êtes en mesure de parler, que vous êtes chez vous, du coup, ils ne sont pas très inquiets.

Tout au plus vous engagent ils à consulter après vous avoir interrogé sur votre tension (j’en ai pas, jamais eu merci) , votre alimentation ou votre température…

J’ai repris deux tartines. Si jamais c’était de l’hypoglycémie !

C’est tout pour aujourd’hui !

patiner

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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