Les entêtés, mais que cherchent-ils ?

Catégorisé comme journal extime, politique
verrou

Comme vous depuis ma province profonde, j’observe la façon dont le pouvoir gère la réforme des retraites et s’enferre à créer et nourrir la crise.

La réforme est inique et injuste, illégitime et mensongère… Tant d’autres ont su le démontrer.

Mais plus encore, la démarche choisie par le pouvoir, dans le contexte politique où nous sommes, cette façon paradoxale et par nature impossible d’ériger l’impéritie en boussole interroge.

À qui le crime profite ?

L’Élysée : une fabrique à crises

Souvenez-vous de la pas si lointaine crise de la COVID. Des mensonges beaucoup, de l’impéritie partout, une façon délétère de renvoyer aux acteurs locaux la gestion des problèmes pour se dédouaner à bon compte.

Gestion verticale et orale, souvent faites d’annonces à la radio et non plus de circulaires, avec des petites mains technos fabriquant depuis leurs bureaux des protocoles impossibles au statut réglementaire hasardeux. Très visible à l’Éducation Nationale. Du coup, règne du « démerdez-vous » accroissant les tensions locales malgré le courage des acteurs du terrain.

On pourrait aller chercher partout d’autres exemples… il n’y a qu’à demander aux élus locaux …

Ni fait ni à faire – des conseillers qui ne sont même pas de bons technos

On a reproché souvent aux énarques d’être des technos froids. Mais il fut un temps où ils avaient connaissance des textes, des procédures, des organisations… Certes la bureaucratie a ses défauts mais elle peut être structurante et aider à préparer, penser les étapes, vérifier…

Aujourd’hui, il est assez étonnant de voir que les pauvres conseillers, peut-être soumis au dictat de la communication et aux injonctions de leurs chefs, ne maîtrisent même pas les fondamentaux : calculs approximatifs, évaluations au doigt mouillé…

Le matin même du vote de la Loi au Sénat, après que la commission paritaire avait travaillé ses propositions -certes mauvaises- , on a vu le ministricule du Budget arriver au Sénat la bouche en cœur avec un amendement de sept pages me dit-on... Qu’est-ce qu’on avait oublié dans la liste des courses ?

Le jour même, si peu assurés de convaincre leurs alliés, les ministres et le Président ont donné le sentiment de louvoyer et d’hésiter pour finalement choisir le pire.

Mais qui conseille ? Qui tient les agendas ?

Incompétence ou stratégie délibérée ?

Mais en réalité, sauf à penser qu’il n’y a plus que des idiots dans les sphères du pouvoir, on ne peut pas penser qu’il n’y a plus de responsables intelligents et que donc tout cela n’est pas volontaire.

On ne peut pas croire qu’il y ait à ce point incompréhension de la réalité du terrain. Le renseignement intérieur fait remonter ses petites fiches, il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas comprendre que partout l’opposition gronde et que vieux ou jeunes, actifs ou retraités, femmes ou hommes… tout le monde s’oppose à ce projet.

Certes, la théorie émise par la première ministre ainsi résumée du « c’est pour votre bien qu’on fait ça même si vous êtes trop con pour comprendre » peut en séduire quelques uns émus de faire partie du « happy few » … mais le courage ne doit pas être confondu avec l’entêtement.

Non, à la longue, je finis par penser qu’en réalité, le président de la république n’en a rien à foutre de la question des retraites.

Il a d’ailleurs changé facilement d’avis sur la question. Ce qu’il lui faut c’est une bonne crise de plus (après celle du COVID) pour faire passer le reste, c’est à dire poursuivre la déstabilisation de l’organisation des services publics, favoriser le maintien au pouvoir de ses alliés au service de l’économie de marché.

Ces crises sont des leurres. C’est du chiffon rouge dans la corrida.

Et s’il y a du désordre, le Parti de L’Ordre viendra réclamer qu’on cesse les bêtises. On a déjà vu ça quand j’étais petit. La peur est un maitre exigeant.

Je crains que le pouvoir ne souhaite en réalité que cela ne dégénère. Il adore voir certains faire les clowns. Ça lui donne pense-t-il de la légitimité à bon compte pour jouer les offusqués.

Oui, ça ne plaît pas mais je pense que c’est contre productif de faire le clown à l’assemblée. C’est juste un message adressé à ses partisans. Ça ne fait rien qu’exciter le bourgeois, mais après, si c’est pour ne rien faire avancer…

Des « oppositions » confondantes de naïveté

La réforme des retraites je suis contre. Mais la question profonde n’est pas celle des retraites mais du projet de vie personnelle de l’école jusqu’à la cessation d’activité…

Et la question bien plus grave que celle des retraites, celle du salaire des femmes n’est toujours pas résolue ! Pourtant c’est une injustice terrible de voir les femmes payées 25% que les hommes. Ça résoudrait au passage la question des retraites.

Mais on chipote, on élude, ce combat ne semble pas si important…

Et derrière on pourra citer la question de la formation tout au long de la vie, des conditions de travail, du travail au noir, de l’attractivité des métiers, des rapports hiérarchiques insupportables dans nombre d’entreprises, de l’évolution ou de la mobilité, des passages de relais… et au lieu de brandir des âges penser au parcours de chacune et chacun et à sa contribution au système…

Au passage, pourquoi ne pas confier plus explicitement la gestion des retraites aux représentants des travailleurs eux-mêmes ?

Ce que je veux dire, c’est que la gauche n’a toujours pas travaillé sur elle. Pas seulement la question des programmes mais plutôt celle des démarches, du partage du pouvoir… Certes dans les laboratoires fermés de certaines officines on a imaginé des choses… mais on continue de diriger partis et mouvements à l’ancienne et parfois de façon bien opaque... Surtout, il y a rupture entre la gauche et les classes populaires.

On passera pudiquement sur la droite LR carbonisée ou l’extrême droite qui fera peut-être un temps illusion chez les amnésiques, mais le président du RN montre déjà des velléités d’indépendance de la Reine Mère… Il faut voir comment ils ont été muets pendant les récents débats…

Il leur faudrait une bonne guerre !

Quand j’étais petit, il y a très longtemps, j’entendais encore et souvent de vieux réacs, les Zemmour de l’époque qui réclamaient « une bonne guerre pour apprendre l’ordre aux jeunes et remettre les compteurs économiques à zéro. « 

Vu les dépenses du budget militaire, cette théorie n’est visiblement pas enterrée.

Mais comment ça va finir ?

« Il faudrait vite une nouvelle épidémie pour empêcher les gens de sortir… « 

« A moins qu’une fissure dans une centrale ne s’élargisse un peu ? « 

Non, je ne sombre pas dans le complotisme.

Je crains hélas que la difficulté première de ce pays soit en réalité le président de la République et sa conception intime du pouvoir. Il est toujours au club de théâtre de son adolescence. Il n’a que son ego et son empathie de façade comme son côté tactile, masquent en réalité un réel mépris. Sa supériorité le rend ivre. Son mentor a dû trop le flatter.

Je ne sais pas comment ça va évoluer. Mais ce n’est pas une bonne série.

On fait comment pour mettre fin à l’abonnement ?

Bon vendredi !

sourire

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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