L’espoir est sous la colère – retraites

Catégorisé comme journal extime, politique

Modestes réflexions à propos de la réforme des retraites.

À la caisse du supermarché, la caissière se confiait se matin. Elle ne m’avait jamais parlé de politique. Mais voyant la Une du quotidien que j’achetais, elle ne put s’empêcher de commenter. Travailler jusqu’à 64 ans ? Impossible et injuste réforme des retraites.. Mais elle était émue et contente de l’ampleur des manifestations.

Sous la colère, pour la première fois depuis des années, passe le courant de l’Unité populaire. Un besoin de solidarité autour de vraies valeurs. Une rupture consommée avec le pouvoir et le monde de l’Argent.

Cela ne m’empêche pas de regretter le manque d’imagination dans les réponses à apporter.

Une vraie jubilation

Oui, les journaux ne s’y sont pas trompés. Et nombre de journalistes à la télévision se sont enfin rangés à l’idée qu’il s’était passé quelque chose le 19 janvier.

Dans la ville ce matin, pourtant trop petite pour avoir accueilli une manif, quelque chose dans l’air. Une sorte de joie à ne pas se sentir seuls. Une façon de s’identifier et se reconnaître dans l’opposition à la réforme. J’oserais presque dire une forme de fierté retrouvée parmi tout le personnel des commerces et du supermarché. Un goût de 81.

Marine Le Pen au Sénégal et le Président en Espagne

Symptomatique : les deux finalistes de la présidentielle hors du pays ce jour là. Le pauvre Chenrituelu sur France 2 ramait quelque peu pour dire que « peut-être il irait aux autres manifs ». Personne n’est dupe. L’extrême droite n’a jamais rien voté en faveur des pauvres. L’entourage du président a beau dire que le vmes dernières annéeoyage en Espagne (pays où certains bâtissent des châteaux…) était prévu depuis longtemps, on est partagé entre sentiment de désinvolture ou de mépris présidentiel … ou les deux ?

Unité syndicale

A contrario, les syndicats sont parvenus à maintenir l’Unité pressentant là peut-être l’opportunité de se refaire une santé, mais mesurant qu’il se passait quelque chose.

Une sorte de courant d’air vif…

Une faute pourtant : isoler la question des retraites de celle du travail et du parcours de vie

Ayant rangé son affaire de retraites à points, le Président se contente d’une énième réforme avec quelques aménagements dont on peut vite montrer la faiblesse ou le manque de sérieux… dans dix ans, il faudra refaire…

1200 euros brut pour tout retraité ayant fait une carrière complète ? Soit. Mais beaucoup vont se trouver exclus râle justement la gauche.

Mais on se rend compte alors que la réponse pourrait venir par l’idée d’un revenu universel. Alors que des économistes très sérieux en voient l’intérêt, d’autres s’empressent de remiser cette idée au rayon des utopies… C’est surtout que cela remettrait en cause la logique du système.

La question du parcours de vie entre droits et devoirs

Hier mes copains de classe se divisaient en deux catégories : ceux qui allaient reprendre le travail manuel de leur père. Grosso modo, ils quitteraient au mieux le parcours scolaire après le BEPC… souvent plus tôt… et ceux qui ou se caseraient dans la fonction publique ou tenteraient de prendre l’ascenseur social.

Les nantis n’étaient pas à l’école publique. Ils reprendraient la boite de leur père après peut-être une école de commerce…

Il était question de trouver un métier, de s’y installer, de fonder une famille, de devenir proprirituelétaire puis de prendre sa retraite un jour pour goûter un repos bien mérité.

La société de consommation est venue par dessus ajouter de nouveaux besoins et de nouvelles habitudes perturbatrices. La médecine et une meilleure alimentation ont augmenté l’espérance de vie.

La retraite à 55 ans ?

Élève instituteur, j’ai gagné ma vie à 17 ans avec une promesse de retraite à 55 ans.

Celle-ci disparut notamment en passant le concours de professeur des écoles. L’instituteur était bien cette « institution » incarnant le service public, se dévouant pour la collectivité , directeur de colonie de vacances l’été ou secrétaire de mairie le soir . Souvent, il entrait au conseil municipal. Un apostolat.

Nul doute que ce fut l’attrait d’une formation payée sur 3 ans qui me fit passer le concours de l’école normale d’instituteurs. En échange, il fallait s’engager à rester dix ans au service de l’État.

À l’heure de la crise des vocations, cela pourrait nourrir les réflexions..

Je suis parti plus tard qu’imaginé au départ mais plus tôt que prévu avec une décote épuisé par l’impéritie et les mensonges ministériels…

J’ai aimé mon métier, mais je m’y suis épuisé

Fidèle à la fonction publique, mes dernières années professionnelles furent riches mais stressantes. Horaires à rallonge, – pas d’heures supplémentaires- , vie de famille gâchée, sollicitations nombreuses, gestion de crises successives avec un soutien fort léger d’une hiérarchie abusant du management par la peur… un certain nombre de mes collègues ont connu de graves soucis de santé, sont morts en activité ou quelques mois après leur départ. Tenir jusqu’à 64 ans ? Les risques auraient été accrus. Moi qui ne me suis quasi jamais arrêté, j’aurais pu me retrouver en situation délicate…

C’est plusieurs mois après mon départ que j’ai pu mesurer la part du sacrifice demandé par une Institution aussi dure avec ses cadres que les personnels…

Quel projet de vie pour un jeune aujourd’hui ?

Jeune écolier, mon cher grand-père qui fut un savant brillant et renommé , avait écrit dans une rédaction conservée avec amusement dans la famille : »pour bien travailler, il faut d’abord se reposer ».

Et nous savons bien que ce n’est pas en tirant sur la ficelle qu’on est meilleur…

Si chacun a des droits et des devoirs, la question de savoir, dans une période d’incertitudes, ce que l’on veut faire de sa vie est importante.

La retraite ne peut être un but en soi. Elle ne saurait être un permis « d’exploiter » le travailleur, de « presser le citron avant de jeter la peau » comme le chantait Béranger…

Ceux qui « ont les mains blanches » comme le chantait autrefois une célèbre chanson de Montéhus reprise par Ogeret ont du mal à comprendre ce qu’on demande à la caissière de mon supermarché.

Si pour certains la « mobilité » professionnelle s’incarne dans des « opportunités » et des « progressions de carrière », pour d’autres c’est l’équation, « licenciement », « sous qualification », « travail à temps partiel »….

Formation au long de la vie, progressivité du temps de travail et transformation de la hiérarchie…

On entend peu de choses aujourd’hui sur une réelle formation au long de la vie. Le congé personnel de formation est une vaste fumisterie au service d’arnaqueurs… Cette formation oublie d’ailleurs les aspects culturels, la formation intellectuelle…

Un parcours pourrait comprendre des phases beaucoup moins rigides.

La relation au travail avec une plus grande souplesse du temps reste peu exploitée : pourtant, un jeune pourrait par exemple entrer progressivement dans le métier auprès d’un ancien qui lui laisserait donc progressivement son poste…

On sait aussi qu’un travailleur est d’autant plus responsabilisé qu’il est autonome. Le management tatillon de petits chefs qui fabriquent de la bureaucratie pèse lourdement. Il ne vise souvent qu’à mettre les employés en compétition entre eux.

Dire que des femmes de plus de cinquante ans doivent demander l’autorisation de leur petit chef de 25 ans pour aller pisser ! (Ce triste conditionnement commence d’ailleurs à l’école).

L’immigration bonne pour le travail et la démographie

N’en déplaise aux grincheux, il serait temps aussi de comprendre que nous avons besoin de pourvoir nombre d’emplois, y compris pour la relance économique, y compris pour payer les retraites de demain en faisant appel à de la main d’œuvre étrangère qui s’intégrera d’autant mieux qu’elle sera bien accueillie.

Cela passera aussi par le repeuplement de nos campagnes désertées et accessoirement en travaillant dès l’école à une réelle mixité sociale. De façon volontariste, pas en masquant les inégalités avec des uniformes !

Elle se réveille quand la gauche ?

Enfermée dans des querelles crétines, la gauche éprouve beaucoup de difficultés à changer de logiciel, à imaginer autre chose.

Défendre des acquis est parfois nécessaire mais ne peut pas être un projet.

Il serait temps de se réinventer en se reliant aux classes populaires qui existent encore (!) et font tournerituelr la maison… en cessant d’avoir peur de la clique d’extrême droite qui passe son temps à semer la zizanie et pourrir nos vies de ressentiments…

À nous de voir ce que nous pourrons faire de la petite graine d’espoir !

le buste de Marianne

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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