Méfiez-vous du journal intime

Catégorisé comme développement personnel, journal extime
les rochers

Je ne tiens pas de journal intime. C’est bien assez ce que je concède par d’autres écrits.

S’il existe des journaux intimes qui révélés deviennent une œuvre indispensable, bien sûr, vous pensez à celui d’Anne Franck, si de nombreux écrivains ont tenu par devers eux un journal sachant bien qu’il pourrait être publié, le journal intime est en réalité un objet dangereux pour soi et surtout pour ceux qui pourraient le lire un jour.

Mais c’est la clé du bonheur !

Sans réfléchir une seconde, on lit ici et là que c’est drôlement bien d’écrire un journal intime, que ça permettrait d’exprimer ses émotions, de faire le point, que ce serait un plus pour l’introspection… Pour certains, le journal intime peut accroitre l’optimisme !

On voit bien l’image d’Épinal. Plus souvent une jeune fille qu’un garçon, qui écrit dans sa chambre tout ce qu’elle ressent, ses déceptions ou ses espoirs, qui prend le temps de tout confier et qui va ensuite nouer son cahier d’une jolie faveur avant de le cacher dans sa chambre… et rejoindre sagement ses parents (après avoir dit des saletés sur leur compte).

Tout le monde connait aussi ces mères indignes qui sont allées se repaitre avec voyeurisme des émois de leur fille ou vérifier accessoirement qu’elle n’aurait pas de mauvaise fréquentation.

Je n’ai jamais bien saisi l’intérêt de se raconter sa propre vie, ni de flatter le sentimentalisme… Je sais bien qui j’aime ou qui m’a énervé. Ce n’est pas la peine d’en rajouter.

Je crois beaucoup plus à la puissance salvatrice et évocatrice de la métaphore ou de l’allusion dans une poésie ou une chanson.

Qui sait ce qui est vrai dans ce texte remis en ligne ce matin : « il va mourir » ?

Quelques rares proches. Et encore, ils vont se tromper.

Certains se reconnaitront dans ce texte, mais sans clé, il ne peut être qu’un mystère pour autrui. Dans le poème ou la chanson que je partage, je donne une couleur, mais je garde la clé et vous vous leurrez souvent…

Non que je cherche à cacher, mais toute révélation n’est ni utile ni intéressante.

Et puis, je crois aussi à la liberté qui consiste à ne jamais tout livrer. Le mystère a souvent du bon ! Non à la transparence mortifère !

Il y a dans le journal intime un côté déversoir ( c’est aller aux cabinets de l’écriture, nécessaire peut-être, mais il faut tirer la chasse d’eau).

Il y a ce risque du ressassement, de la complaisance et même de l’auto-falsification.

Moi ça m’emmerderait de tenir un journal intime. Mais si vous en écrivez un, pensez un peu à qui le trouvera après votre mort et aux conséquences.

Je n’aurais pas du le lire !

D’ailleurs je n’ai pas tout lu de ce journal intime. Des centaines de pages. Oui, toute une histoire qui pourrait presque faire un roman.

Une jeune fille malheureuse, étouffée de conventions dans une bonne famille « catholique » qui va sans cesse faire des choix de renoncement pour répondre à l’exigence familiale, choisir de se ranger, choisir la voie convenue et même entre deux amoureux, abandonner le chanteur d’Opéra pour un étudiant sinistre avec lequel elle s’ennuiera… mais il est plus « conforme ».

Cela serait une histoire commune, aurait fait un bon roman à la Sagan. Une histoire triste poursuivie avec la naissance de deux enfants, nés sur un malentendu, sans conviction et qui allaient pourtant « empêcher » l’épanouissement.

Alors ce journal devient le récit d’un malheur, un malheur transmis.

Car ce n’est pas très rigolo de comprendre qu’on est né sur un « malentendu »… et qu’au final on a été qu’un boulet pour l’épanouissement de l’autrice du journal. Ça remet en question les joies de la maternité et Elisabeth Badinter avait bien raison là dessus…

Certes, il faut faire avec et l’on apprend à dépasser avec le temps… On peut se construire en s’arrachant et en pardonnant… oui oui…

Le salvateur autodafé

Il a fallu le bruler, le détruire, même s’il est trop tard et si je n’oublierai jamais certaines pages. Ce fut la seule solution pour ne pas être tenté d’aller dans le marécage puant du passé.

D’autres pages d’ailleurs étaient d’une intimité à ce point malaisante que je ne pouvais les lire, que deviner.

Et c’est très intime un journal de ce nom, surtout quand c’est écrit à la main, que tu vois la couleur de l’encre, la forme des mots, les ratures, l’humeur…

Un journal intime doit rester intime.

Si vous en trouvez un, ne l’ouvrez pas, ne le lisez pas… sauf si l’autrice ou l’auteur vous le transmet officiellement et vous le confie quitte à avoir arraché avant quelques pages…

une ombre

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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