Parler sur une personne est toujours risqué

Catégorisé comme développement personnel, journal extime

Victor Hugo nous avait mis en garde. la confidence que l’on fait au meilleur ami à propos d’une personne et surtout si c’est un reproche, lui viendra bientôt aux oreilles. La disqualification d’autrui engendre la zizanie qui est l’un des cancers de notre monde moderne. Les réseaux sociaux servent d’amplificateur mais la pratique reste ancienne. Si d’un point de vue éthique, il y a des attitudes à s’interdire, ne nous leurrons pas : « les ennemis de de nos ennemis sont nos amis ». Enfin parfois, car une amitié fondée sur la seule aversion d’un tiers risque d’avoir de fragiles fondations.

La clairvoyance de tonton Victor

poème de Victor Hugo

Remarquable texte. Il fut publié à titre posthume dans « Toute la lyre » en 1889.

Pour gagner en connivence, on peut se laisser aller facilement à la confidence. Et dans l’excès. Un bon mot, une exagération, un sous-entendu, un raccourci… Ironique ou plus profond, le dénigrement peut aisément venir salir une personne.

Outre la beauté du texte, son rythme, j’aime la façon dont Hugo nous renvoie à notre responsabilité, dégage sans moraline l’idée d’éthique.

Comme nous avons pu dire ou parler sur un autre, nous avons ressenti ce petit malaise lorsqu’une conversation change soudain de direction à notre arrivée dans une pièce … ou bien avons reçu parfois de façon étonnée, une information déformée à notre propre propos.

Et nous aurons tôt fait de découvrir la source de la rumeur ou de la trahison..

Il faut apprendre à n’en pas trop faire cas, ne pas sombrer dans la méfiance, la parano, mais peut-être aussi, s’imposer cette sorte de bonne hygiène qui consiste à s’éviter de déblatérer sur une personne…

Diffamer, au sens strict, ce n’est pas véhiculer des choses fausses sur une personne, mais en dire du mal.

Une exigence professionnelle

Parler sur une personne absente, par exemple l’élève, est quelque chose qui se produit souvent dans le milieu éducatif. La réglementation a imposé que les parents d’un enfant doivent être présents lors d’une réunion d’équipe éducative lorsqu’on va parler de difficultés persistantes d’un enfant. Enseignant, j’ai souvent entendu en réunion des maîtres des formules du type : « ah, oui, on a déjà eu le frère… » ou l’usage d’adjectifs confondant la personne et ses actes.

Ce n’est pas pour rien que la Justice impose le contradictoire.

Mais combien de milieux professionnels favorisent ces débats sur la personne en son absence ? Raccourcis, jugements réducteurs… Les compliments s’ils semblent moins graves peuvent aussi être problématiques.

C’est aussi, « pour son bien » qu’on va parler sur une personne. Je me souviens de connaissances qui voulurent ainsi m’embarquer à venir parler à propos d’une personne malade en son absence…

Lors des examens et concours, les jurys délibèrent en l’absence de la personne. Il y aurait des vérités dures à dire en face ! On entend aussi parfois de vraies saloperies sur les personnes. On pourrait parler également de l’émergence de contradictions qui peuvent venir entre membres d’une même commission de jury. Plus que des écarts d’appréciation. Il faut sélectionner souvent plus la conformité à une attente que l’excellence ou l’originalité. Nous n’imaginons pas associer le candidat à la délibération. Je fais pourtant l’hypothèse que cela serait intéressant ayant vu la capacité d’auto-évaluation de très jeunes élèves, je ne serais pas surpris que la discussion soit utile… Tiens, je viens donc questionner la « méritocratie » ?

La plainte à propos d’une personne commence souvent en son absence, mais il faudra bien confronter…

Parler sur quand on n’ose pas ou ne peut pas parler en face

Pas facile de se dire les choses. Et pour différentes raisons. Les conditions d’un dialogue serein, la clarté de nos intentions… tout cela mérite réflexion.

Parfois, je parle sur une personne à un ami, parce que j’en ai souffert par exemple. Mais il est difficile de ne pas dériver.

Auprès d’un tiers, dans le secret de la confession – amicale ou religieuse, lorsque l’on veut se plaindre et c’est parfois nécessaire et légitime – il faut pouvoir dire des choses justes sans confondre la personne avec ses actes.

Lorsque je parlais ici même de « relation toxique », c’était dans le but de ne pas confondre la personne et ses actes. Le blog « Nos pensées » rappelle ce danger de parler d’une personne toxique.

Parfois, il faut prendre acte d’impossibilités. Chercher ce qui est utile ou à défaut nécessaire. Se protéger et en même temps ne pas nourrir le ressentiment, ne pas ressasser.

« C’est dit ». On ne reviendra pas là dessus. Il y a alors le choix délibéré de la rupture qui est une forme de sacrifice. Entre l’affection que l’on pouvait avoir pour une personne et la souffrance d’une relation douloureuse, il faut parfois trancher au bénéfice des souvenirs les meilleurs, pour s’émanciper du passé et avancer. Mais inutile de revenir là dessus, d’en rajouter.

Conserver le self-contrôle

Sans culpabiliser, il faut tout de même plus que l’examen de conscience en tant que tel, pouvoir se poser et s’interroger.

A qui ai-je dit quoi ? J’ai parlé sur X . Est-ce que ça m’a fait du bien ? Dans quel but ? est-ce que ce fut utile ?

Savoir que mettre en mots une disqualification, avancer plus loin dans le « parler sur » c’est rompre plus sûrement le lien, c’est effectivement marquer plus sûrement une rupture. https://calembredaine.com/relation-toxique-y-mettre-fin-pour-se-sauver/

Ami, ennemi, neutralisation ?

Il existe des nuances : autant de relations, autant de situations.

Dans « Soyez vous-même tous les autres sont déjà pris » (J’ai Lu) Gilles Azzopardi non sans humour, nous rappelle qu« oser être soi c’est accepter de ne pas être aimé« . Il ajoute dix bonnes raisons de se faire des ennemis. « Ne plus se faire avoir, être respecté, limiter les clashs, gagner du temps, garder la forme, canaliser son agressivité, découvrir des choses sur soi, savoir sur qui compter, faire parler de soi, se faire de nouveaux amis ».

Dans l’amitié vraie, il y a une liberté. Celle de pouvoir être et rester soi même. Pas de compétition. L’histoire du meilleur ami est un piège. C’est affaire de complémentarités, d’intimités, de connivences, de temps que l’on se donne…

Je ne peux pas dire que j’ai des ennemis. Cela demande de l’énergie, de l’entretien… Mais il y a bien des gens que je déteste et qui me repoussent assez pour que j’aille paître ailleurs. Qu’ils ne s’avisent pas d’approcher pour autant.

Mais finalement, parler d’eux, ce serait leur faire trop d’honneur…

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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