Tout dort dans la maison

Catégorisé comme poésie, rue des pommiers
feuille

un poème de la Rue des Pommiers

Tout dort dans la maison, sauf le chat, le soleil et les mouches
Mon rituel de thé, le gâteau citron, qui s’effarouche ?
Les enfants dorment, un cheval hennit dans le vaste pré sous la montagne
Le chien au jardin frôle la rosée, ma pensée l’accompagne
Je songe à cet ami, des siècles ont passé, je n’ai plus de nouvelles
Peut-être est-il mort, ou dort – il encore dans les bras d’une belle ?
Je regarde mon enfance qui court dans la vallée, au tombeau de ma mère
Au torrent qui m’attend, claquant dans les rochers sa route dans les pierres
Je pense à ce roman, là, que je n’ai pas su lire
J’imagine l’histoire que je n’ai pu écrire
Les papiers sont rangés, dans l’armoire fermée
Le chat est mon greffier et veille sur ce passé
Je songe à cette marche, à la longue escalade, à cette cordée
Je n’ai pas de refuge, pas de chaussures aux pieds, je suis mon prisonnier
Tout ce peuple dort encore, le village est-il mort et les voisins muets
Suis-je devenu sourd, je n’entends dans la cour, pas un arbre trembler ?
Je regarde cette fille qui était si jolie, a-t-elle su le rester ?
Moi j’étais écolier, à l’école de l’ennui, j’étais très appliqué
Je tiens mon demi-siècle, mon front s’est dépeuplé, j’ai si peu de mémoire
Quelque chose à vibré dans la chambre fermée où tu es dans le noir
J’aurais cette promesse, sur ta parole offerte, ta première caresse
J’irais à ton baiser, la petite fontaine, matin réconcilié
Tu t’es levé si tôt, me diras tu avec dedans ta voix un soupçon de reproche
Tu crains que le matin, je ne me sauve enfin, comme le ferait un mioche
J’oublierai mes pensées, les mouches et le passé, les livres et mon enfance
Sera glissée discrète sous la mousse secrète de ton oreiller
Je ferai ma chanson, j’irai à mon ouvrage et je resterai sage
Nous irons au marché, nous lirons le journal, tu tourneras les pages
Je songe à la journée, je nous verse du thé, et j’y lis les présages…

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in Rue des Pommiers

Ce poème a été publié dans la série « Rue des pommiers ». Cette série de textes a été elle même écrite de 2011 à 2015 alors que je séjournais dans les Hautes-Alpes. On trouvera quelques allusions aux grands espaces, à la vie animale, à la montagne ou au climat de la région et notamment de la vallée du Buëch ou du Dévoluy. Mais en réalité, il n’y a pas de lien direct entre le lieu de vie et l’écriture. Il s’agit plutôt d’échos à la vie, son quotidien. Si certains reconnaîtront des clés ou des allusions, il serait vain de vouloir tenter une quelconque biographie à l’aide de ces fragments… Ce qui compte c’est l’image, la métaphore… Certains de ces textes ont pu donner lieu à une mise en musique et ont ensuite été donnés comme « chansons ».

Dans les hautes alpes
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Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.