Si c’est nouveau, ce ne peut encore être un rituel. Tout au plus une promesse, une résolution.
Ces derniers jours, j’ai peu écrit. Un besoin de souffler. Mais en entendant Georges Simenon dans une vieille archive raconter comment il allait mal quand il n’écrivait pas… j’ai mesuré à quel point comme lui, ne pas écrire c’est laisser la place aux douleurs, mêmes physiques, aux pensées mornes…
Un journal extime ?
Le titre de la rubrique, on le doit à Michel Tournier. Certains penseront à Annie Ernaux… Mon intention n’est pas d’être à la mode.
Je vais plutôt tenter avec ce carnet de ponctuer chaque journée. Je noterai pour en garder traces, des moments, des rencontres, des impressions. Peut-être parfois juste une image, une anecdote, un échange, une découverte …
Je ne livrerai ici ni le résumé de mes journées, ni de confessions trop intimes. Mais cet album fera peut-être une sorte de feuilleton que vous aimerez lire, noctambules ou lève-tôt.
Lève-tôt ou lève-tard sont des gens si bizarres que l’orthographe a décidé d’en faire un nom invariable.
La rivière
Si j’aime la montagne ou l’océan, si rien ne me console mieux que la forêt, j’éprouve le bonheur de la liberté en marchant dans un chemin – de préférence de terre – et une joie indicible à longer une rivière.
Cet après-midi le bonheur était d’autant plus grand qu’il s’agit d’un bras de rivière menant d’un étang à un moulin dans un vallon escarpé. On ne devine pas la rivière de la route. Celui qui sait le chemin pénètre un monde secret fait pour les oiseaux, les poissons et les pêcheurs qui oseront entrer dans l’eau au moins jusqu’aux genoux.
De grandes arbres, de chaque côté des deux rives, penchent leurs branches immenses au dessus de l’eau comme pour tenter de s’enlacer ou au moins de se toucher. Des rochers couverts de mousse retiennent la colline. Le lieu est encore boueux en cette saison, nous n’y avons croisé personne. Les oiseaux étaient nombreux à chanter. Les éléments en apparence immobile, forment un tout vivant, un cœur battant et magique.
Après le moulin, nous sommes remontés par un ruban de route goudronnée jusqu’au village où un vieux poilu nous attendait dans son uniforme bleu. Presque pimpant sur son monument aux morts.
Mais nous étions emplis encore des secrets de la rivière : ces moments où elle mime un torrent, ces autres où s’élargissant elle impose son calme. Les bestioles de la forêt peuvent venir y boire.
Lieu extraordinaire où toutes les petites douleurs comme la brûlante actualité du Monde savent se faire oublier.
J’aime bien conserver l’accent circonflexe sur brûlant.
Sans accent ce n’est plus du thé brûlant mais de l’eau tiède.
Les chiens
Aujourd’hui nous avons surtout croisé des chiens qui tiraient quelques vieux humains au bout de leur laisse. Je suis toujours étonné de voir ces vieillards malmenés, entrainés par deux ou trois cabots impudiques et bruyants. Galou les snobe, les regarde de haut, il fait plus de quarante kilos. Ils s’énervent et leurs maîtres s’évaporent honteux en se jetant dans la première venelle venue.
Plein d’autres choses encore, j’en garde pour demain…
