Une rencontre

Catégorisé comme journal extime

J’aime marcher. Le plus souvent le long des chemins de campagne, dans la nature, au bord de l’océan. Mais j’aime aussi traverser la ville, l’explorer. Il y a toujours des surprises que ce soit au détour d’une avenue, d’une rue, d’une venelle.

Aujourd’hui, c’était presque au moment de rentrer que je fis une rencontre. Elle fut comme on dit brève mais intense. De ces surprises que je ne saurais oublier.

Galou avait décidé du chemin.

Il faut marcher chaque jour. Au moins six mille pas. Dix mille les grands jours. Plus l’été… mais alors le vieux chien fatigue.

Mais si je tente de me trouver des excuses, il vient me chercher, si besoin en m’apportant la laisse au cas où je ne comprendrais pas le message.

Il était resté patiemment à dormir près de moi tout le matin alors que j’écrivais le roman. L’inspiration vient toute seule en ce moment . Les personnages tiennent le roman, c’est comme si j’écrivais sous leur dictée.

Aujourd’hui, il a fait plein soleil. Un joli froid sec.

Je ne voulais pas conduire, alors collier au cou et laisse accrochée, direction la ville. Pour jouer, Galou aime prendre la laisse dans sa gueule comme s’il voulait diriger et choisir la route. Alors je l’ai laissé décider du trajet : il nous a mené du côté de l’avenue en travaux. Je ne comprends toujours rien de ce qui ressortira du chantier mais aujourd’hui les ouvriers plantaient des arbustes. Dans le contrebas de l’avenue, un chemin de terre mène à un petit bois où coule un ruisseau. C’est un endroit que le chien apprécie beaucoup avant d’aller vers le centre ville. Il tira sur la laisse pour y aller. Hélas, pour leur chantier, les ouvriers en avaient barré l’accès.

Serrant en ma poche avec mes doigts le petit sac spécial destiné à recueillir les « urgences » de monsieur Galou, nous prîmes la direction de la ville.

Lectrice, lecteur, note que jamais Galou ne s’oubliera sur un trottoir ou le goudron, pas même le caniveau. Pas plus que sur le sable d’une plage. Il respecte et quand un besoin se présente, ce sera toujours à l’écart, dans un talus, parmi les feuilles. Je ramasse nonobstant. Et s’ensuit après le long temps fâcheux avant de trouver la poubelle qui nous sauvera. Surtout si je rencontre quelqu’un. D’un autre côté, avec mon petit sac à la main je favorise les gestes barrière. Aujourd’hui, il sut attendre un autre petit bois discret…

Nous avons traversé la ville

Gens maussades malgré le soleil, vieillardes aux cabas lourds… Certaines se font presque tirer par des petits chiens ridicules qui nous aboient dessus. Elles en ont un, deux, même trois ! Cabots miteux que Galou toise. Il est rare qu’il se fâche. Il s’émeut volontiers quand nous croisons cette jolie setter rousse. Il voit sa mère en tout labrador noir. Il respecte les vieux chiens. Il aimerait en découdre avec les boxers, mon chien n’est pas raciste mais…

C’était l’heure où il y a école. Nous avons croisé deux ou trois collégiens avec des têtes de fugueurs, des rombières hurlant dans leur smartphone. Je peux vous donner le relevé bancaire précis de l’une d’elle si ça vous dit. Elle le gueulait à son mari qui avait dû jouer avec sa carte de crédit.

Il y a ces gens qui me saluent mais que je ne reconnais pas toujours. On se souvient de mes anciennes fonctions. Il y a ces gens qui vous dévisagent au contraire comme si vous étiez un grand délinquant. Des fois que Galou les attaque au col. Ceux qui vous rentrent dedans tête en l’air . Cette trottinette qui pour nous éviter faillit s’offrir la vitrine d’un très bon chocolatier.

Nous avons longtemps marché, traversant les rues, répondant aux questions d’un livreur, admirant des travaux en cours là, une vitrine ailleurs. Presque deux heures. Toujours guidé par Galou, nous n’avons pas pris que les rues habituelles mais son circuit était cohérent. Je regarde, il flaire. Chacun fait sa cueillette de visages, d’odeurs…

Un peu plus de douze mille habitants ici, assez pour se sentir presque anonyme.

Retour par l’avenue

Nous allions sous le soleil joyeux. Il ne faisait pas si chaud mais j’avais ouvert mon manteau. En hiver, le soleil descend vite et il s’avérait que je l’avais souvent en plein dans les yeux. Doux éblouissement gorgé de vitamine D.

Reconnaissant notre avenue, Galou nous y conduisit. Au bout d’un moment il fatigue. Si je lui parle d’Isis, la chatte, alors il presse le pas.

Lui ?

Il existe des gens polis qui heureusement répondent encore au « bonjour! » au moins d’un signe de tête.

J’étais certes dans mes pensées, mais c’est lui qui anticipa.

Je ne l’avais jamais vu. Je ne sais s’il fait partie des gens qui passent devant la maison et qui reconnaissent Galou.

La rencontre fut brève. Comme notre échange.

Et pourtant, dans son salut, sa posture, sa démarche et son regard, il y avait plus que de la gentillesse ou de l’empathie. Un allant et un élan. Un accueil et une joie. Je ne sais mieux dire.

C’était comme des retrouvailles chaleureuses de grands amis. Non sans pususpisciondeur. Mais avec une force communicante et à ce point enveloppante que j’en reste tout enturbanné des heures après.

Une sorte de jolie surprise. Bien sûr qu’il était charmant mais pas de cette allure faite pour séduire mais plutôt de cette grâce dans une façon d’être lui : naturel, simple, avenant.

Au fond, sans aucune connotation sexuelle, c’était très exactement comme une très belle histoire d’amour, évidente. Une vraie joie. Un cadeau. Une belle rencontre.

Étincelante comme une symphonie ou un chœur.

Et forcément j’ai l’intime conviction que c’était un type bien. Ne venez pas me dire le contraire avec votre suspicion désabusée.

Je suis sûr qu’on se recroisera.

Voilà ! c’est tout pour ce soir.

patiner au loin
Publié le

Par Vincent BRETON

Vincent Breton a travaillé dans l'enseignement. Auteur de fiction, de poésie ou de chansons, il anime le site Calembredaine.com qui propose un journal extime quotidien et un partage de textes de fiction, poèmes et chansons.

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